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En complément de la version audio, retrouvez juste en-dessous la fiche critique plus détaillée à partir de laquelle j’ai réalisé cette vidéo. Bonne écoute et bonne lecture.

Avant-Propos

Salut à toi, Autrice, Auteur, Lectrice, Lecteur ou Curieux, moi c’est Big Brother ! Après un temps d’absence, me revoici pour ton plus grand plaisir.

Sache que ce que je fais dans cette critique n’a rien d’exceptionnelle :

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1 • Un drame urbain… ou plus ?

Un résumé et un titre aussi troubles que l’histoire

J’ai tout de suite accroché à ton résumé. Peut-être parce qu’il en disait beaucoup et peu à la fois sur l’histoire, car celle-ci est complexe. C’est simple : je ne savais pas si j’allais lire une histoire d’amour, un drame familial ou psychologique ? Je pense que c’est le genre de résumé et d’œuvre qu’on peut classer dans différentes catégories selon ses affinités avec les thèmes abordés, ce qui prouve dès le départ sa richesse. Car ce roman va nous parler de tout ce qui peut chambouler la vie de deux ados à un moment charnier, en même temps. Peut-être est-ce parce que ce résumé présente les deux situations initiales de tes deux héros avec leurs enjeux propres ? N’est-ce pas un peu trop ?

Il en est de même pour le titre : il ne prend jamais vraiment son sens profond, comme si tu laissais au lecteur le choix de la signification. Et ce n’est qu’après la lecture de la première partie ou du roman que l’on pourra donner un sens au titre et au résumé.

C’est à la fois osé et risqué, car si la curiosité l’a emporté sur moi, il peut en être autrement sur des lecteurs ou des éditeurs à la recherche d’un type de récit précis. Il me semble d’ailleurs qu’il est plus long que ce qui est conseillé comme 4è de couverture et il va falloir trancher un peu dedans (oui il fallait bien que je dise un truc négatif :p) Pourquoi ne pas faire le choix de ne présenter qu’un personnage, je pense à Créa personnellement, et finir le résumé avec l’arrivée de Judi qui vient chambouler sa vie en bout de route ?

Deux récits de vie superbement bien menés

La difficulté évoquée dans le résumé se retrouve dans le scénario : comment gérer deux héros aux destins croisés, mais qui ne se retrouvent qu’au crépuscule, après avoir lutté toute la journée avec leurs démons personnels et communs ? Le risque aurait pu être de privilégier un des ados, car son histoire te touchait plus. Mais à aucun moment on ne peut dire qui de Créa ou de Judi seconde l’autre tandis que l’un mène véritablement l’histoire. On ne s’ennuie d’ailleurs jamais, au contraire : tu coupes toujours les chapitres ou les scènes au bout moment pour qu’on ait envie de passer encore plus de temps avec eux. Enfin, les scènes où les deux se retrouvent ne font pas artificiels, alors que pourtant ils se voient le soir avec généralement pour cadre leur petit village, le lac boisé ou la voiture de Créa. J’y reviendrai dans la partie Univers et Forme, mais il y a aussi une très bonne utilisation à chaque fois des décors pour nous raconter tes personnages tout en subtilité.

Pour finir cette sous partie, je dirai que là où on pourrait « choisir » un des deux héros et ne continuer notre lecteur que pour lui, leur arc narratif respectif nous importe.

Petite incohérence (héhé par ce que je suis trop fort) : Créa n’a pas le comportement normal d’une fille qui ne va plus voir ses amis et sa famille pendant longtemps. Je m’explique : elle passe son dernier été dans sa ville natale, avec ses proches. Elle devrait tout faire pour se créer des souvenirs, sortir avec eux, les appeler, organiser plein d’activités, comme pour « ralentir le temps qui la sépare de l’université », comme elle dit. Mais elle semble les snober. A un moment donné, elle refuse d’aller en soirée, car préfère lire. Avant d’aller voir Judi. Pourquoi ? Elle aurait dû se faire violence et y aller. Ou alors il y a un élément que je ne comprends pas dans sa façon de gérer l’amitié.

Une prise de risque sur le fond et la forme

J’en parlerai dans les parties fond et forme, mais comme pour le résumé, tu as une façon de narrer parfois très cinématographique et poétique, avec beaucoup de non-dits et de deuxième ou troisième niveau de lecture. Or, cela peut rendre certains passages inutiles aux yeux de lecteurs moins amateurs de subtilité ou de poésie. J’ai personnellement choisi mon camp 😉

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2 • Une réalité fantastique

Notre monde sans être notre monde

Que ce soit à travers les yeux de Judi, Crea, Jean ou Seb, ce petit patelin où vivent nos héros m’a semblé à la fois très réaliste et en même temps pas du tout. Que ce soit le skatepark que tu décris comme un éden pour des enfants qui ne veulent pas mûrir ou le système scolaire que Créa voit comme des royaumes avec leur culture et leurs enjeux, ainsi que de l’alcool, je me suis souvent amusé à relire les descriptions, toutes très efficaces, pour voyager avec nos héros dans leur imaginaire.

D’ailleurs, tu ne donnes pas de nom à cette ville, ni aux routes : très bonne idée, car ce petit paradis pour nos protagonistes en perdition pourrait bien être notre ville.

 Un univers qui vit au rythme de nos héros

Si on reste dans un flou sur la géographie réelle de la ville (on parle d’un patelin avec un cinéma, des bars, un hôpital), tu as construit chaque lieu réellement décrit comme des continuités des héros. Par exemple, le skatepark est plus que le lieu de rendez-vous de Jean, Seb et Judi, mais le jardin où ils peuvent se livrer, tester des choses ou juste être eux-mêmes sans peur du jugement.

De même, à plusieurs reprises, tu te sers de la voiture de Crea pour évoquer ses états d’âme. Celle-ci est d’ailleurs toujours la témoin forcée de toute la progression de nos héros, et tout comme eux elle n’a rien à faire là, on dirait : on ne connait pas son premier propriétaire, mais elle doit être réparée et nettoyée à certains endroits. Pourtant, celle-ci continue à rouler pour emmener Créa et Judi vers leur destinée. Je la vois bien détruite ou revendue/donnée à la fin, comme pour marquer la fin d’un cycle.

La nuit comme cadre

En lien direct avec le titre, j’aime beaucoup l’importance de la nuit, donc du crépuscule, dans ton histoire. La journée, tes personnages souffrent, courent pour rentrer chez eux sans se faire mal ou ne pas faire mal aux autres. La nuit, dans le noir, Judi et Créa peuvent être qui ils veulent sans peur du jugement. D’ailleurs, personne ne les voit traîner ensemble en journée. A nouveau pour marquer un tournant dans leur relation, ça serait intéressant qu’ils vivent leur relation en plein jour, comme n’ayant plus honte de se cacher.

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3 • Des Personnages réalistes Fantasques

Des personnages super réalistes

A nouveau, en dehors de Cléa qui snobe ses amis tout en se plaignant de ne plus pouvoir les revoir après, je n’ai trouvé aucune incohérence. Au contraire : comme pour la ville, toutes ces personnes semblent inspirées de faits réels et pourraient faire partie de notre environnement.

La fille rêveuse qui après le lycée panique et pète un câble sans qu’on ne comprenne, les deux gars à la ramasse qui n’ont pas fini leurs études, mais rêvent de percer, les parents qui ne comprennent rien à leurs ados en crise. Et enfin, Judi, le mec bizarre connu dans toute la ville et qu’on ne doit pas approcher. Tu peins chaque personnage sans trop de traits physiques, mais plus moraux, laissant au lecteur le soin de leur mettre le visage de leur choix. On remarquera que les parents ne sont pas nommés. Comme pour la ville, le but est pour moi de rappeler que ça pourrait arriver à n’importe quelle famille.

Bonus crédibilité pour la scène où Judi se déchaîne : j’ai vraiment eu peur pour sa mère.

Crea et Judi, reflets inversés ou morceaux d’une même pièce

Au-delà de la construction narrative de tes deux héros, il y a tout un jeu de symboliques autour d’eux : s’ils présentent un problème réel avec le fait d’avancer dans la vie, par le biais du système scolaire, tous deux trouvent une réponse dans la vie de l’autre pour avancer. Leur rencontre est bizarre, comme voulu « par le destin », dirait Créa. Sauf que lorsqu’on les voit, on peut se demander ce qu’ils ont en commun et font ensemble. Créa semble promise à un brillant avenir, enfin je crois, mais a peur de remettre en jeu tout ce qu’elle a mis du temps à construire dans sa ville pour tout recommencer ailleurs en plus grand.

De son côté, Judi est instable, rejeté par la société et passe plus de temps à s’autodétruire qu’à se bâtir un avenir. Qui plus est, alors que Créa semble douer une grande intelligence sociale (elle fait mieux que le médecin de Judi et l’analyse vite), le garçon semble inapte à créer toute relation saine. Ce qui est beau dans cette histoire est qu’ils n’auraient jamais dû se rencontrer. C’est d’ailleurs, le cas jusqu’à cette nuit. Une interrogation nous vient, et ce dès la lecture du résumé : comment va finir leur relation ? Vont-ils se tirer vers le haut, le bas ou essayer d’échapper à la réalité. Ça crée une réelle tension, d’autant plus que toute la partie 1 ils oscillent entre amitié et plus sans vraiment se l’avouer. Très bonne idée pour maintenir l’attention des lecteurs.

J’ai beaucoup apprécié tout le travail fait pour nous montrer qu’en réalité ils partagent plus qu’on pourrait le croire (relation schizophrène avec l’école, relations parentales conflictuelles, isolement, côté tête dans les nuages, la peur de l’inconnu)

Créa et Judi, belle et bête urbains

La première image qui me vient après ma lecture c’est la Belle et la Bête. Encore une fois, Judi est comme un animal en cage, un monstre que seuls des mecs bizarres comme Seb et Jean peuvent comprendre. De son côté, Crea est une belle et gentille jeune fille destinée à de grandes choses. Et pourtant, au tournant d’une route, ils vont se croiser et cheminer ensemble. Ça fait un peu conte de fée urbain. Il ne manquerait qu’un élément perturbateur physique pour venir mettre en péril leur relation, peut-être.

Des personnages secondaires pas en reste

Je ne peux achever cette partie sans parler de personnages secondaires. Ils auraient pu être relayés au second plan et oubliés. Mais non, Seb et Jean ont même leur chapitre ! De plus, tu n’hésites pas à narrer sous le point de vue des parents de Judi et Créa certaines scènes, sans les montrer en parents bêtes et méchants. Tout ça ne donne que du réalisme à ton histoire et évite l’erreur de certains romans avec un couple pour héros : le monde autour n’existe pas ou se retrouve à tourner autour de ceux-ci. Ici, ce n’est pas le cas du tout : même les personnages secondaires vivent, avancent, et on a même envie de s’arrêter plus longtemps chez l’un et l’autre pour davantage connaître leur passé et leur avis sur tout ce qui se passe dans la vie de leur enfant.

Très bonne idée d’ailleurs, ce chapitre de Jean et Seb 😉

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4 • Une myriade de thèmes

Un sujet délicat bien abordé pour le moment : l’énigme Judi

Durant toute la première partie du roman, tu ne nommes pas directement la maladie de Judi. Comme Créa, on fait des suppositions, puis on apprivoise le garçon tel qu’il est, jusqu’à la scène où il pique une crise. Il y a une sorte de pudeur dans ta façon de parler de Judi et tu montres à la fois des côtés positifs (spontanéité, vision du monde poétique, évasion) et négatifs (colère, rejet, peur, etc) à sa maladie. Tu ne nommes pas la maladie, n’utilises pas le mot d’ailleurs, et jusqu’au moment de la crise j’avoue avoir oublié qu’il était une bombe à retardement. Tu aurais pu aller dans l’excessif, pour choquer le lecteur avec du grand spectacle, mais on est juste comme sa mère : apeuré et en même temps plein d’espoir, car on sait grâce à Créa que le meilleur traitement pour le soigner c’est de la bienveillance et de l’écoute. Un message fort, simple et pourtant qui mérite d’être répété, surtout aujourd’hui où on entend, mais on ne prend plus le temps de s’écouter.

Le problème vient-il des gens ou du système ?

Forcément, je ne peux qu’opposer Créa au médecin de Judi, donc au système médical, voire public. Dans la scène chez le médecin, une idée m’est venue : s’ils n’arrivent pas à guérir Judi, c’est parce que le système médical a lui-même un problème. Alors que le garçon voulait simplement une oreille pour l’écouter parler de Créa, le spécialiste suivait bêtement ses procédures habituelles. Et même lorsqu’on lui montre la photo, il ne veut pas y croire.

On peut aussi voir cela avec l’école : Créa le dit. L’école est un système cyclique de la maternelle au lycée. La taille change, le nombre de cours et de profs, mais pas le fonctionnement. Et qu’arrivent-ils à des personnes à part comme Judi ? Elles sont rejetées, parce que justement le système scolaire n’arrive pas à les gérer. La preuve : « les professeurs furent soulagés » à son départ du collège.

Je ne sais pas si c’était voulu, mais je trouvais cette idée d’inversion du problème intéressante, car Judi nous montre les choses sous un angle nouveau : le skartepark devient un Eden depuis lequel on mate des filles, la pluie n’est pas une chose à éviter, mais une chose dont il faut profiter.

Les études : chaînes ou vecteurs de liberté

C’est LE sujet du roman. Que ce soit dans la bouche de Créa, les cauchemars de Judi, mais aussi dans la tête des parents, les études sont toujours mentionnées. Ce roman pose un certain nombre de questions légitimes, peu importe l’âge :

  • Que vais-je devenir après le bac, alors que depuis la maternelle on m’en parle comme le Saint-Graal ?
  • Puis-je réussir sans faire d’étude ? Être heureux sans le bac ?
  • Ou puis-je les reprendre peu importe l’âge ?
  • Vais-je m’en sortir à l’université ?

Et je suis sûr que j’en ai oublié. Bref, ce roman fourmille d’un tas de messages, mais j’ai abordé les plus intéressants à mes yeux. A voir comment tu vas les traiter par la suite.

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5 • Une Poésie Urbaine aux allures de série/cinéma

De la poésie de la première à la dernière ligne

Comme évoqué au début de cette fiche, j’ai beaucoup apprécié te lire. Je lisais à haute voix certains passages juste pour leur donner toute leur puissance, tout comme un poème est fait pour être chanté. Et encore une fois, alors que ça pourrait être lourd, ou faire « l’auteur qui se regarde écrire ». Pas du tout : chaque petite métaphore ou pensée, nous est naturellement proposée et libre au lecteur de s’arrêter pour les apprécier ou pas.

Un style très cinématographique ou sériel

En te lisant, je n’ai pas pu m’empêcher de penser à la série anglaise Skins. Ce monde d’adolescents chaotique et poétique, ces parents qui n’arrivent pas à les gérer et enfin ces enfants qui deviennent des adultes ou pas, mais s’assument.

Toujours est-il qu’à plusieurs moments, surtout lors des transitions d’un personnage à l’autre, on a l’impression qu’une caméra passe vraiment de Créa à Judi. Du coup, je vais oser le dire : je vois bien ton roman en film ou en mini-série.

Mais passons aux choses qui fâchent.

Quelques répétitions, fautes et trop d’auxiliaires

Si le vocabulaire est très accessible, il y a temps à autres des répétitions des fautes (très minimes). Mais surtout… tu utilises beaucoup d’auxiliaires remplaçables par des verbes plus précis. Après, à certains moments se pose la question du style : faut-il vouloir être poétique, donc davantage travailler le sens de ses phrases ou chercher une sorte d’excellence de forme et éviter le plus de répétitions et d’usage d’auxiliaires.

J’ai vu que tu réécrivais tout ton roman. N’hésite pas à faire une grosse relecture pour gommer (ou pas) ces auxiliaires et répétitions.

La Conclusion du Tyran : Merci

Bravo ! Certaines fois, quand on fait des choses répétitives ou qu’on vise la lune, on peut oublier pourquoi on fait les choses. Ton roman m’a rappelé pourquoi Plumavitae doit continuer son développement et continuer de travailler dur dans l’aide aux auteurs : parce qu’il y a trop de plumes comme la tienne que personne n’a aidé et qui sont mortes sans nous avoir offert même une ligne.

Alors, je ne sais pas ce que tu as prévu pour ce roman, mais si tu nous fais confiance, embarque à bord du Plumavitae et on t’emmènera dans un ciel crépusculaire d’étoiles rempli de succès.

Que la Plume soit avec toi !

Kev’Angi, le Tyran

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